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Geoffroy Roux de Bézieux sur Radio J : "Les 150 personnes des 6 raffineries Total, prennent les Français en otages"

Invité du Forum Radio J, Geoffroy Roux de Bézieux, interrogé sur la crise chez Total a considéré qu'il faut savoir arrêter une grève. Le président du Medef a également évoqué les tensions salariales, la désindustrialisation, la réforme des retraites et la guerre en Ukraine.

Sur la grève chez Total

"Le droit de grève, c’est un droit garanti par la Constitution et donc évidemment je le respecte mais là, on est dans un cas très particulier puisqu’il y a un monopole de fait qui crée une situation inacceptable pour les Français et dangereuse pour l’économie puisque les gens ne peuvent plus aller travailler. Il y a un accord majoritaire donc comme le disait Maurice Thorez, il faut savoir arrêter une grève. Et je pense que si ça ne bouge pas, il faut que la réquisition soit mise en place, y compris pour les dépôts de TotalEnergies", déclare Geoffroy Roux de Bézieux. "Les revendications salariales sont légitimes, surtout dans un moment d’inflation; qu’il y ait des conflits à l’intérieur de l'entreprise, comme dans toute organisation humaine, c'est normal, mais là on est dans un cas hors normes qui crée une telle perturbation pour la vie du pays que la réquisition est normale. En tout cas les 150 personnes des 6 raffineries Total prennent les Français en otages."

"Nous ne sommes pas en récession en France, poursuit Geoffroy Roux de Bézieux, mais il y a un ralentissement très fort…. les patrons de PME sont quand même inquiets ; ils voient les prix de l'énergie s'envoler. Aujourd'hui on paye l'électricité 6, 7, 8 fois plus chère qu’on la payait jusqu'à présent et du coup, des industriels ne peuvent plus produire. C'est un problème énorme dont on espère qu'il sera débloqué par la Commission européenne dans la semaine qui vient parce qu'on ne peut plus continuer avec ces prix de l'électricité. Il y a un système de fixation de prix qui est absurde, où c'est le prix du gaz qui détermine le prix de l'électricité ; c’est un système qui a été inventé il y a 30 ans et qui ne marche plus."

"Quant au salaire de Patrick Pouyanné, c'est le conseil d'administration qui l'a augmenté et cela vient après des baisses très fortes qu'on a oubliées liées à la crise du Covid (...) Je ne souhaite pas que les bénéfices de Total soient réduits ; on a une chance formidable, on est un des rares pays occidentaux à avoir une souveraineté énergétique grâce au fait que Total est français et je le dis tout de suite, la majorité des actionnaires de Total, ceux qui touchent les dividendes, malheureusement, ne sont pas français. Donc un jour, il y aura peut-être une pression pour dire : vous êtes plus taxés en France, les dividendes sont plus taxés, partez ailleurs ! Donc avoir des champions comme Total, comme LVMH, comme d'autres en France… qui restent en France et qui paient leurs impôts en France je trouve que c'est une très bonne nouvelle."

Sur l'inflation et les salaires

"Que les Français soient inquiets, légitimement par rapport à l'inflation et d'ailleurs je pense que dans l'inflation, il y a l'inflation alimentaire qui est supérieure à l’inflation générale de 5,6 %, qui pose un problème aux Français. Qu’il y ait des négociations dans les entreprises pour essayer d'augmenter les salaires à la hauteur de cette inflation, je le comprends parfaitement. Mais cette marche, c'est de la politique et donc le Medef, et moi personnellement, je n'ai pas à en penser quoi que ce soit (...) Il y a des tensions, il y a des demandes salariales légitimes, d'autant que pendant 30 ans, on a vécu sans inflation. (...) Moi je dis aux entrepreneurs que ceux qui le peuvent, augmentent les salaires mais ce qu'il faut bien comprendre, c’est que les situations sont extrêmement différentes ; vous avez des entreprises qui ont pu passer l'inflation dans les prix finaux et puis vous avez des entreprises pour qui ce n’est pas possible."

"En France, quand on augmente les salaires, surtout au-dessus de 2.000 euros, il y a une partie significative qui part dans les charges, c'est clair. Donc si on veut travailler sur le niveau de charges, je suis partant ; simplement il faut savoir que vu du point de vue syndical, c'est souvent ce qu'ils appellent du salaire différé parce que c'est la retraite, parce que c'est la maladie  etc. Mais en France, vous savez qu’à partir d'un certain niveau de salaire, quand vous donnez 100, il y a 50, 60 qui partent dans les charges. Et donc l'augmentation de salaire, elle ne se voit peu sur la feuille de paye. Donc oui ça peut être un débat".

Quant à indexer les salaires sur l’inflation, pour Geoffroy Roux de Bézieux, il n'est pas souhaitable de le faire pour deux raisons : "la première, c’est que la situation financière des entreprises est totalement hétérogène en fonction des secteurs et des tailles. Vous avez des entreprises qui se portent très bien : Total peut faire 7 % et 3 à 6.000 euros ; vous avez d'autres entreprises, souvent des plus petites d'ailleurs, qui ne peuvent pas le faire et puis si vous indexez, ce qui existait dans les années 70, vous allez nourrir l'inflation. On rentre alors dans une spirale qui est extrêmement dangereuse parce que l'inflation, on sait comment on y rentre, on ne sait pas comment on en sort".

Sur la désindustrialisation

"On a désindustrialisé en Europe et on a plus désindustrialisé en France que dans le reste de l’Europe. Il n’y a que l'Angleterre qui est à peu près comme nous. Or dans une ville moyenne, quand vous avez 10, 20.000 habitants, s’il n’y a plus d'usines pour maintenir de l'emploi et les services associés, c'est la ville qui meurt et après, c'est le lycée qui perd des élèves, c'est les commerces qui ferment, etc. Cela ne s'inverse pas dans un claquement de doigts ; il faut rendre l'industrie française compétitive, c'est la baisse des impôts de production, c'est le coût de l'énergie ; il faut avoir un certain nombre de projets pilotes sur des nouvelles technologies (...) Il faut que les citoyens aient envie d'avoir des usines à côté de chez eux."

Sur la politique économique

"On a eu depuis l'élection d’Emmanuel Macron un changement important de politique économique", constate Geoffroy Roux de Bézieux. "Pendant 30 ans, on a fait une politique de la demande, c'est-à-dire qu’on a aidé le consommateur plus que le producteur et cela nous a menés à une forme de l'heure, de désindustrialisation. Depuis 2017, on a changé de cap et on a fait ce qu'on appelle une politique de l'offre, c'est-à-dire qu’on va aider le producteur ; ça va créer de l'emploi et ça aidera la demande. C'est comme cela qu'on a créé pas loin de 1,5 million d’emplois. Cela a été fait essentiellement avec une baisse des impôts des entreprises. Et ce qui est très intéressant, c'est qu'au final, on a plus de recettes fiscales."

Sur la réforme des retraites

Pour Geoffroy Roux de Bézieux, cette réforme est "possible et elle est indispensable, parce que la démographie, c'est la seule science économique qui ne ment pas. Et malheureusement, la démographie fait qu’on aura de moins en moins de jeunes qui vont aller sur le marché du travail... Et l’espérance de vie continue à monter (...) En 45, il y avait 4 actifs pour un retraité, aujourd'hui c'est 1,6. Donc on a un problème mathématique simple : comme on a choisi collectivement, le Conseil national de la Résistance en 45, la retraite par répartition, c'est-à-dire les actifs payent pour les retraités, il n’y a pas 36 solutions (...) D'abord il faut bouger l'âge légal mais ce n'est pas le seul critère parce que ce qui compte au final, c'est l'âge effectif, l'âge auquel les gens partent réellement. Et ce qu'il faut savoir, c'est qu'il y a la moitié des Français qui partent avant l'âge légal. Donc, il faut regarder l'équation au total. Nous, ce qu'on propose est très simple, c'est ce qui existe en Allemagne : à partir d'un âge qu'on doit déterminer, ça peut être 50 ou 55, un examen médical par la médecine du travail ou la Sécurité sociale qui permet de dire si vous êtes apte ou pas à exercer le métier qui est le vôtre. Et à partir de là, il y a deux solutions : soit vous êtes inapte et on vous met en retraite anticipée comme c'est le cas déjà pour partie ou on vous propose une formation pour un autre métier parce qu’un des éléments sur les emplois des seniors sur lequel les entreprises ont un effort à faire, c'est que les seniors sont moins formés à partir de 50 ans que l'ensemble de la population salariée. Et ça, on voit bien que c'est un problème parce qu'on est amené à changer de métier et donc on propose un bilan de compétences obligatoire à 45 ans pour justement faire un point de l'employabilité, c'est-à-dire la capacité de quelqu'un à aller travailler ailleurs et lui proposer des formations dans ce sens-là".

Sur la guerre en Ukraine

Pour Geoffroy Roux de Bézieux, "la guerre en Ukraine met bien sûr en danger la croissance et l'emploi mais avant cela, elle met en danger le droit international, la démocratie. C’est pour cela que nous au Medef on a pris très vite le parti de soutenir les sanctions qui pénalisent à la fois les entreprises françaises qui sont en Russie d'un côté et les entreprises françaises en France et l'emploi croissance parce que d'une certaine manière  nos valeurs n'ont pas de prix, même si on doit souffrir économiquement".

>> Réécouter l'émission sur le site de Radio J